Bac 2015 en Mauritanie : un fiasco total

27 juillet 2015

Bac 2015 en Mauritanie : un fiasco total

bac
Crédit photo:B.G

Les résultats du bac 2015, une catastrophe. C’est ainsi que sur près de 40 000 candidats, toutes filières confondues, il n’y a eu que 3 134 admis en première session soit un taux largement en deçà des 10 %.
Au sein de 7 centres d’examen, situés à l’intérieur du pays, il n’y a eu aucun admis (Djiguéni, M’bagne, Rachid, Lexeiba 1, Achram, Djéol et Tiguint).
Ce sont donc là des résultats peu reluisants et qui sont en porte à faux avec la fameuse année de l’enseignement, annoncée tambour battant par le président de la République.
Ironie du sort, on aura assisté à une organisation des plus chaotiques pour le baccalauréat avec l’utilisation à grande échelle par les candidats des supports de pointe dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (téléphones portables dernier cri, Hi Phone, Smartphone,…)
Et pour couronner ce tableau, il y a eu cette fuite concernant le sujet de physique-chimie pour les candidats au bac scientifique. La fuite fut d’une ampleur d’autant plus importante que les autorités du ministère de l’Éducation se sont vues dans l’obligation de reconnaître les faits et de recommencer l’épreuve pour un examen dont la crédibilité avait été largement écornée.

« Personne ne doit être surpris par ces résultats »

En réaction à ces résultats peu reluisants, les professeurs du secondaire dont nous avons recueilli l’avis ne se montrent pas surpris.
Pour A.S qui enseigne à Nouakchott : « Je ne trouve pas beaucoup de différence entre ces résultats et les résultats des années passés. Actuellement les élèves ont un niveau très faible et on ne fait rien pour changer cela. Pourtant les moyens ne manquent pas mais on les oriente ailleurs. Dans nos lycées, les moyens didactiques et le suivi pédagogique manquent beaucoup. Comment voulez-vous qu’avec tout ça les élèves trouvent de bons résultats. » Même son de cloche chez A.O.M, professeur d’anglais à Kiffa : « Les résultats ne peuvent être qu’ainsi, on ne peut pas espérer mieux. Il ne faut pas politiser l’enseignement, ce qui est le cas aujourd’hui et veiller aux intérêts des élèves. On doit tendre vers la qualité. Ceux qui se présentent au bac n’ont pas le plus souvent le niveau requis. » Pour B.M, professeur de physique à Riyad : « Personne ne doit être surpris par ces résultats. Il y a beaucoup de problèmes dans notre système d’éducation. Et on n’arrive même pas à organiser les examens comme il faut. Voyez ce qui s’est passé cette année. C’est normal, car on fait appel pour la surveillance et la correction à beaucoup de personnes qui ne méritent pas cette confiance. Mais c’est la course aux perdiems et le ministère est complice. Donc il faut que tout cela change et que nous ayons la volonté d’avancer. »En effet comme l’ont si bien souligné les différents intervenants, il y a beaucoup de laxisme dans notre politique éducative et un manque cruel de volonté politique.

Dans sa déclaration de politique générale faite le 5 janvier dernier devant le Parlement, le premier ministre n’a accordé que quelques lignes à l’éducation censée être pourtant l’une des priorités du mandat présidentiel en cours. Maîtrisant la langue de bois si chère à nos dirigeants « éclairés », le chef du gouvernement a déclaré sans froncer les sourcils qu’il œuvrera pour « le renforcement des performances et du rendement de notre système éducatif ». C’est à croire qu’il se trouve sur une autre planète, ou du moins qu’il parle d’un autre pays. Les Mauritaniens sont en tout cas très curieux de savoir de quelles performances et de quel rendement il s’agit. Notre école est sous perfusion. Nous avons l’un des taux de réussite au bac parmi les plus bas du monde et les résultats qui viennent de tomber le confirment. Et avec tout ça, on tient à nous faire croire que notre système éducatif est performant !

Année 2015 , année de l’Éducation ?

Dans son discours, le chef du gouvernement n’avait bien sûr pas manqué de rappeler « la décision du président de la République » de proclamer l’année 2015, année de l’Éducation.
Et d’ajouter que : « la redynamisation du système éducatif constitue un des objectifs majeurs de l’action du gouvernement pour les cinq prochaines années et portera sur tous les ordres d’enseignement. »
De belles déclarations, mais qui, malheureusement, risquent -comme celles faites à l’occasion du premier mandat- d’être renvoyées aux calendes grecques.
Poursuivant ses envolées idéalistes, le premier ministre assure que cette redynamisation du système « sera entreprise suivant une approche qui garantit à tous les enfants mauritaniens des cursus scolaires à la fois cohérents et diversifiés qui, tout en transformant notre école en un creuset d’unité et un facteur de promotion sociale, répondra aux nouvelles exigences de la modernité, de la numérisation et de la globalisation et permettra de couvrir les besoins en compétences de la société et de l’économie. »
Qui dira mieux ? Un chef-d’œuvre littéraire certes et des intentions angéliques comme on a eu l’habitude d’entendre de la bouche de nos chers gouvernants. Mais à l’heure des comptes, c’est toujours la désillusion.

En effet, il ne sert à rien de peaufiner de beaux discours. Il convient plutôt d’agir surtout dans le cas d’un pays comme la Mauritanie où le système éducatif est exsangue.
On aurait bien voulu que le premier ministre nous explique clairement, dans un langage scientifique, concret et non littéraire, qu’est ce que son gouvernement envisage de faire pour tirer l’école mauritanienne de la mauvaise passe dans laquelle elle se trouve.
C’est bien beau de parler de numérisation et de globalisation, mais le hic, c’est que nos pauvres élèves n’étudient même pas l’informatique qui, pourtant a été prévue par la Réforme de 1999. Mais, 15 ans plus tard, c’est toujours le statu quo. Outre l’informatique, les autres matières scientifiques ne sont dispensées pour les plus « chanceux » qu’en hassaniya (dialecte local). Et même là, on manque souvent cruellement de profs.
Et dire qu’en continuant sur cette lancée, on arrivera à changer le cours des choses ! Voilà une belle utopie !
Bakari Guèye

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